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Colloque Nîmes - 17 - 20 septembre 2009

Colloque Nîmes


Trois leçons d'un tour d'horizon international

Reconnaissons-le tout de suite : la situation réglementaire taurine française est mauvaise. Un Règlement Taurin Municipal (RTM), certes, a été adopté par l'Union des Villes Taurines de France, l'U.V.T.F., en 1973 (1). Un règlement qui fait l'unanimité dans la pratique de toutes les arènes de France.

Mais un règlement assorti d'une autorité très réduite. L'U.V.T.F., qui l'a élaboré, n'est qu'une association privée loi 1901 (2), sans compétence réglementaire au-delà du périmètre de ses membres. Il faut donc, pour accorder au Règlement Taurin Municipal français quelque valeur, que chaque maire le reprenne par un arrêté municipal particulier dans sa commune (2bis), y compris lors des fréquentes modifications annuelles. Ce n'est pas une affaire simple, on l'imagine.

La situation de la ville de Nîmes où nous nous trouvons, est, à ce propos, éclairante. Je vous invite à un petit exercice. Si vous regardez bien votre billet de la corrida du jour, vous vous apercevrez qu'il indique au verso, de façon très officielle, ostensible, que « le règlement taurin est en vigueur ». Quel règlement, on ne sait pas exactement. Faisons preuve de bonne volonté. Imaginons qu'il s'agit du Règlement Taurin Municipal de l'U.V.T.F., puisqu'il n'y en a pas d'autre en usage en France. Cela semble le cas dans la mesure où est reproduit, au dos du billet, un article 31 qui est exactement l'article 31(3) du Règlement Taurin Municipal.Méfiant, cependant, comme tous les juristes, j'ai effectué quelques recherches. Je me suis aperçu, alors, que la ville de Nîmes, ne figurait pas sur la liste des adhérents de l'U.V.T.F. mentionnée sur le site Web de cette association (4). Surpris, j'ai interrogé le maire d'Arles, président de l'U.V.T.F. Je vous livre sa réponse (5) : « La ville de Nîmes est « actuellement » en sommeil de l'U.V.T.F. » (5bis). Et son président me cite la dernière correspondance reçue du maire de Nîmes, en 2007. Elle dit : « Nîmes n'a pas vocation à être amnistié ni à être mise sous tutelle. Dès lors, les conditions de fonctionnement ne sont pas remplies. Nîmes poursuivra donc sa voie personnelle » (5 ter) !

Tout en conservant, néanmoins, le Règlement Taurin de l'U.V.T.F., faut-il ajouter, puisque la ville de Nîmes continue à en faire usage. Du moins, si l'on en croit le billet de corrida que vous avez en main (6). Est-elle en droit de le faire, s'agit-il d'une usurpation, d'un emprunt abusif, d'une voie de fait, ou de quelque chose d'autre, je laisse à chacun d'entre vous le soin d'en juger. Nous ne sommes pas ici pour clouer au pilori qui que ce soit, mais pour réfléchir à ce qui peut être fait pour parvenir à un ordonnancement harmonieux du combat des toros.

Laissons la ville de Nîmes à ses embarras réglementaires.

Élargissons notre horizon, et partons voir ce qui se fait ailleurs.Je laisse le soin à nos amis espagnols de nous décrire la situation dans leur pays.

Je m'étonne simplement que la Communauté de Madrid n'ait pas encore songé à élaborer son propre règlement taurin. Cinq communautés autonomiques l'ont déjà fait (7). D'autres sont en voie de le faire (8). Voire d'amender un règlement qu'elles ont déjà élaboré (9). Cette fièvre réglementaire, me semble-t-il, a été justement dénoncée par le professeur Tomas-Ramon Fernandez (10). Il en fait peser la responsabilité sur certains « roitelets autonomiques, aussi voraces qu'insatiables dans leur soif de pouvoir à tout prix ». Vous nous direz peut-être ce qu'il en est. En tout cas, cela ne paraît pas aller dans le sens d'une unification réglementaire que la logique conseille, chaque jour, un peu plus.Le pays le plus avancé en matière réglementaire taurine est la Colombie.

Une loi 916 votée en 2004 (11), il y a à peine cinq ans, a établi un Règlement National Taurin. Elle dépasse l'Espagne, où le règlement taurin national (12) n'est qu'un règlement d'application de la loi taurine de 1991 (13). La situation colombienne n'est pas sereine pour autant. À la suite de divers recours (14), la Cour Constitutionnelle du pays a annulé plusieurs dispositions de la loi 916 (15), et notamment celles concernant la désignation par le maire des présidences de corrida (16). Créant un vide juridique inquiétant. Il n'a pas duré bien longtemps. Les organisateurs de spectacles taurins se sont empressés de le combler, en désignant eux-mêmes les présidences (17). Sans résoudre la question, en droit comme en fait. Elle reste en suspens (18).

Ce grand pays taurin qu'est le Mexique n'a aucune réglementation taurine nationale. Le sujet y reste, pour l'essentiel, une affaire municipale (19). Dans un imbroglio dont il n'est pas facile de démêler les fils (20). Le fédéralisme (21), qui est au Mexique, comme aux États-Unis voisins, un principe constitutionnel, montre ici ses limites.

Le meilleur exemple en est la situation de la ville de Mexico ou District Fédéral (D.F.) (21 bis). Il a, à sa tête, un jefe de gobierno, ou maire. Celui-ci désigne le juez de plaza, ou président de la corrida (22), mais l'activité de la Monumental de Mexico étant sous le contrôle ordinaire de la Delegacion Benito Juarez (23), une des 16 delegaciones, ou arrondissements de Mexico, chacune autonome du jefe de gobierno central, la répartition des pouvoirs n'est pas simple (24). D'où, des conflits fréquents (25). Sous l'arbitrage d'une organisation privée de la Monumental, aux ramifications non moins complexes (26), qui font de la réglementation, le prétexte tout trouvé à des intrigues internes, dans lesquelles cette réglementation a, en fait, peu de poids.

Ainsi, au mois de juin dernier, à la suite d'un différend personnel avec un juez de plaza (27), l'empresa de la plus grande arène du monde, a pu décider, de son propre et unique chef (28), de suspendre, pendant sept dimanches de suite (28 bis), le cycle de novilladas normalement prévues pendant toute la saison d'été (28 ter).

Sans entraîner d'émeutes en ville (29), il faut bien le dire. Ce qui montre les limites de l'intervention réglementaire dans le monde taurin actuel (30).

Décidément, tant en Colombie qu'au Mexique, comme on l'a vu aussi en Espagne, à Séville, depuis deux saisons déjà (31), la matière des présidences est un des points chauds actuels de la réglementation des corridas.

Ce serait déjà bien s'il en était ainsi au Venezuela, à en croire les aficionados locaux. Cela supposerait que l'épineuse question de la légitimité de la corrida ne s'y pose plus. Ce n'est pas, en ce moment, tout à fait le cas. Les textes, et plus souvent les projets de textes taurins, se bousculent, les uns derrière les autres, faisant souffler le chaud et le froid sur l'avenir taurin du pays natal de Simon Bolivar le Libertador.

Le Venezuela, comme le Mexique, renvoie la matière réglementaire taurine aux municipalités. Le Municipio y est la cellule de base de l'organisation administrative, comme dans la plupart des pays ibéro-américains. Très récemment, en mars dernier, une Résolution du Ministère du Tourisme (32) est venue brusquement s'attribuer compétence pour réglementer les cinq principales ferias qui se déroulent dans le pays : Valencia, Maracaibo, San Cristobal, Mérida et Maracay. Sans toutefois aborder le strict déroulement du spectacle taurin, qui, de ce fait, semble demeurer dans la compétence municipale. Un projet de loi nationale taurine a, certes, été adopté en première lecture, en 2005, par l'Assemblée Nationale vénézuélienne (33), mais aussi, deux ans plus tard, en 2007, un autre projet sur la protection des animaux, un projet qui interdit toute violence d'animaux dans les spectacles taurins (34). La question du règlement taurin reste donc subsidiaire au Venezuela (35). C'est la pérennité même du spectacle taurin qui y est en cause.

L'histoire taurine de Caracas, la capitale, s'est interrompue (36) le 29 juin 1997 (37), il y a plus de 12 ans, avec le dernier spectacle organisé dans les arènes du Nuevo Circo (38). Le Nuevo Circo a été entièrement rénové en 2007, mais le lieu ayant été transformé en un « centre de développement artistique et culturel », la possibilité d'y organiser à nouveau des spectacles taurins semble s'éloigner de jour en jour (39).

Siège de la Feria del Señor de los Milagros, la plaza de Acho de Lima reste, elle, au centre de la vie internationale taurine du Pérou (40). Par contre, si le Pérou dispose de 56 arènes fixes et organise de 5 à 600 spectacles taurins par an (40 bis), trois à quatre règlements taurins municipaux seulement, dans tout le pays, sont là pour en fixer le déroulement (41). Avec, en tête, le Règlement Général des Spectacles Taurins adopté par la municipalité du District de Rimac (42), c'est-à-dire d'un des 43 districts, ou arrondissements, de la très vaste agglomération métropolitaine de Lima, celui où se trouve la plaza de Acho.

Ailleurs, au Pérou, la situation réglementaire taurine est pratiquement inexistante (43). Et à Lima même, on vient de le voir, elle dépend du bon vouloir d'un simple conseil municipal de district. Ce qui n'est pas sans problème, lorsque, subrepticement, en octobre 2007, le maire du District de Rimac décide de modifier la composition du Conseil Taurin prévu par le règlement (44). L'ancien conseil refuse alors de se dissoudre, et continue à distribuer prix et récompenses, au milieu d'une cacophonie surprenante (45). Ou réjouissante comme on voudra. Mais en tout cas quelque peu irresponsable.

L'Équateur taurin n'a pas de problème avec le conseil taurin de Quito (45 bis), sa capitale, mais avec le Conartel, le Conseil National de Radiodiffusion et de Télévision. Au mois de novembre dernier, cet organisme d'État, s'appuyant sur un article de la nouvelle constitution votée le mois précédent, a, péremptoirement, interdit la diffusion, ou la retransmission, par radio et télévision, entre six heures du matin et six heures du soir, de tous les spectacles taurins, ceux-ci étant considérés comme des scènes de violence et de cruauté (46).

Pourtant, tout semblait bien aller en matière de réglementation taurine dans le pays. L'Équateur a une activité taurine restreinte, limitée, au plan international, à la Feria Jesus del Gran Poder de Quito (47), mais par un décret loi de 1978 (48), il dispose de la plus ancienne disposition législative taurine, toujours en vigueur dans le monde des toros. Ce décret-loi, qui n'a pas l'ampleur de la loi 916 colombienne (49), attribue, lui aussi compétence aux municipalités, pour fixer les règles complémentaires qu'il n'a pas établi lui-même (50). Drôle de situation tout de même, quand le législateur est pris en flagrant délit de réglementer la violence et la cruauté !

Que retenir de ce rapide tour d'horizon réglementaire ?

D'abord l'émiettement (51), évident. Un émiettement inquiétant, parce qu'il porte atteinte à la crédibilité de la situation réglementaire. Un règlement ne peut être efficace - et il n'existe que pour cela - que s'il est appliqué. Et pour être appliqué, il doit être applicable, ce qui ne peut être le cas lorsque les mêmes hommes sont conduits à combattre les mêmes toros, avec des règles différentes en fonction des lieux où ils se déplacent, simplement parce que ces règles sont établies selon le bon vouloir des responsables du lieu où ils se trouvent (52). Cette dispersion ne reposant sur aucune raison sérieuse, doit être dénoncée.

La seconde leçon est que l'émiettement auquel on est parvenu, n'a qu'une apparence de diversité. L'examen détaillé des différents règlements taurins de tous les pays dont on vient de parler, montre qu'ils ne sont, en fait, à quelques mots et chiffres près, que la reprise directe et unique du règlement taurin national espagnol de 1992, revu en 1996 (53). Comme les précédents règlements internationaux étaient eux-mêmes, la copie conforme de l'ancien règlement national espagnol de 1962. La prolifération réglementaire taurine particulière, n'a pour but, ni l'originalité, ni l'innovation (54). On songe alors, à nouveau, à ces « roitelets » évoqués par le professeur T.R. Fernandez, des roitelets non plus seulement autonomiques, mais internationaux, tout aussi voraces qu'insatiables, pour assouvir leur soif de pouvoir à tout prix lorsqu'ils se lancent pour réglementer une corrida, déjà largement pourvue en la matière.

La troisième et dernière leçon, est la conséquence des deux précédentes.

Elle est un appel à la responsabilité de l'Espagne. L'Espagne a une responsabilité historique dans l'origine du combat des toros, mais encore, aujourd'hui, une responsabilité très actuelle pour sa pérennité (55). L'émiettement réglementaire taurin international n'est peut-être pas de son fait, mais, au travers de l'apparence, il montre qui doit être le conducteur d'un redressement qui se fait attendre. Que l'Espagne mette de l'ordre chez elle, et les autres pays suivront.

Alors, peut-être, même, la ville de Nîmes se réveillera de son long sommeil, et ira rejoindre ses pairs dans un vaste mouvement rénovateur qui a besoin de l'énergie de tous.

Madrid, en éveil depuis longtemps, est déjà prête à y participer, j'en suis sûr.